Le dessin d’une vie

LE DESSIN D’UNE VIE 

par Sylvie Ebstein 

”C’est l’âme qui compte” dit Jean-Louis Guitard. ”Rien que l’âme. Le reste n’est qu’apparence, et cette apparence s’effrite au premier coup d’œil si l’âme est absente.” 

Des paroles qui définissent entièrement cet artiste pour lequel la vérité intérieure passe avant toute chose. 

Une vérité qui dirige toute son œuvre. La vérité d’un homme ”qui n’a pas le temps de mentir ou de chercher à plaire” parce qu’il est l’un des très rares à savoir que l’on naît, que l’on vit et que l’on meurt seul. Ce qui, par contrecoup, aussi paradoxal que cela puisse paraître, détermine chez lui un amour de la vie, une sorte de gaieté dont le délire continuel n’a d’égal que le désespoir contenu. 

Je crois l’avoir suffisamment entendu éclater de rire, entendu parler, vu tourner en rond sans un mot, entrer dans des colères indescriptibles , s’inquiéter sans cesse, pour pouvoir affirmer ce que j’affirme. 

Jean-Louis Guitard est l’un des êtres le plus fascinants que l’on puisse connaître. Je l’affirme aussi. Une espèce de pur méditerranéen qui aurait placé son délire de vivre dans une perpétuelle quête d’absolu et de pureté. D’où la simplicité ensoleillée de chaque tableau. Une éblouissante simplicité ensoleillée. Un soleil méditerranéen, envahissant les objets, les corps, les façades, les barques, les vêtements. Un soleil qui dévore les contours et vous jette aux yeux des jeux d’ombres et de lumières qui semblent recréer l’univers à force de nous en offrir ”une autre vision”. Pas de grandiloquence. Pas de fioritures. L’essentiel uniquement. La blancheur du papier n’est plus un simple support, elle devient une part entière du dessin, l’espace dans lequel existe le sujet. Et dans ce blanc, exactement posés, les traits d’encre de Chine se mêlent, s’opposent, se confondent jusqu’à faire oublier le travail de la plume et du pinceau, en jouant sur toutes les gammes de tonalités, du blanc au noir, utilisées avec autant de force que de tact et de justesse. Une technique hors du commun qui ne prend jamais le pas sur l’émotion, sur l’expression du sentiment. 

Un art profondément actuel, indépendant de toute mode. 

”Etre original, dit Jean-Louis Guitard ce n’est pas obligatoirement dessiner un éléphant bleu jouant de l’accordéon à bicyclette au troisième étage de la Tour Eiffel, ça c’est souvent de l’anecdote… être original c’est parvenir à donner une vision unique et profonde d’une femme entrain de marcher dans la rue… Rien que l’âme. Le reste n’est qu’apparence…’‘ Voici la rigueur d’un cœur et d’un esprit traduite en quelques traits d’une encre noire. Voici l’éblouissante originalité d’un artiste dont l’intelligence aura été d’être simplement lui-même.