Interview

IMG_3706 Il existe une multitude d’expressions artistiques… sculpture, danse, peinture, musique, dessin, comédie… mais l’expression elle-même n’est rien. Elle n’est qu’un moyen. Seule compte l’âme. Un artiste est un être qui a le don d’éprouver un certain nombre d’émotions, de sensations, de manière différente ou plus profonde, plus violente que les autres êtres humains, et qui a en plus le don de recréer ses sensations, ses émotions, à travers un art. Il faut donc que l’on sente une vie, un cœur, battre dans chaque trait, chaque note, chaque mot. C’est ça, l’âme. Je ne parle, bien sûr, que pour moi.

Libre à d’autres de penser le contraire. Durant toutes mes années d’école buissonnière à Antibes je transformais mentalement en dessin tout ce qui s’offrait à mes yeux sur les quais du vieux port, sur la digue du petit port de La Salis, sur les plages, dans les chemins du cap. C’est durant cette période que s’est précisée ma notion du dessin, ma recherche de la lumière méditerranéenne déferlante et la suppression des traits de contour qui déterminent le sujet dans le dessin traditionnel. De nombreuses années se sont écoulées avant que mon attente, mon désir, ma pensée, ne voient le jour sur une feuille de papier.

C’est le lundi 20 septembre 1976, sur le port de l’Olivette, qu’un jour, dessinant une barque de pêcheur, j’ai éliminé les traits de contour au profit des oppositions d’ombre et de lumière. Ca c’est produit à mon insu. J’ai constaté le résultat, sidéré. A force d’y penser c’était arrivé “malgré” moi. Ce jour là j’ai su que j’avais trouvé “mon” dessin et que je pouvais espérer, en évoluant, créer une œuvre personnelle.

Toutes les variations  de couleurs doivent être contenues dans mes variations de noirs et de blancs. Je dessine autant avec le blanc du papier qu’avec le noir de l’encre de Chine.

Il s’agit d’une figuration, sans trait de contour, construite sur la seule opposition des ombres et des lumières, parfois à la limite de l’abstraction Je n’emploie l’abstraction que lorsque le sujet lui-même est abstrait, par exemple l’ensemble d’oeuvres sur “les 7 péchés capitaux”. Je veux que mon dessin soit “abouti” mais je veux que cet aboutissement, cette richesse de variations, s’allient à une rigueur, à un dépouillement exemplaires.

Je veux que chaque dessin soit une synthèse de dessin. Je veux dire le plus avec le moins. Je veux dépasser la réalité commune pour lui substituer celle qui n’appartient qu’à moi.

J’utilise l’encre de Chine parce qu’en dessin c’est ce qui donne les noirs les plus profonds et, par opposition, les blancs les plus éclatants. A partir de 1976, c’est à dire à partir du travail sur la barque de pêcheur à l’Olivette que j’avais réalisé au stylo à bille sur une petite feuille, j’ai utilisé l’encre de Chine et le “stylo” à pointe tubulaire. Je tiens compte de tout ce qui appartient à mon époque, de tous les apports, de toutes les découvertes de tous les pays, mais je tiens tout autant à être moi-même, c’est à dire profondément français  et conscient de tout le patrimoine artistique, immense, que nous lègue notre histoire.

J’expose régulièrement depuis 1984 en France et à l’étranger, galeries, espaces culturels et musées.